Présence au monde
Troisième
repère pour une vie meilleure :
du bon usage de la parole et des mots
Les mots ont un sens mais
leur signification peut être multiple, aussi toute
parole peut être source d’erreur ou d’ambiguïté.
Quand Pierre dit « grève », il pense « arrêt de
travail », mais quand Paul entend « grève », il
pense « plage ». (Au début j'avais choisi le mot
"bière" qui pouvait être une boisson
rafraîchissante ou notre dernière demeure...)
Les mots sont nécessaires car si on ne dit pas
notre pensée, on est rarement compris. La parole,
transcrite en mots, est le fondement des sociétés
humaines, qui, construites sur un modèle
compétitif, encouragent la comparaison. En se
comparant aux autres, en défendant sa place, sa
valeur, sa fierté, on est inévitablement amené à
clamer ses qualités et à cacher ses défauts.
Malheureusement, bien souvent aussi, on est plus
enclin à dénoncer les défauts (présumés) des
autres et à minorer ou cacher leurs qualités. On
n’hésite pas non plus à mentir, à agir contre
l’intérêt de ceux avec qui on est en lutte pour
une place, un bien, un(e) partenaire, ...
Parlez-vous presque tout le temps de vous ? Ou,
au contraire, ne parlez-vous jamais de vous ?
Comment parlez-vous des autres en leur absence ?
Avez-vous tendance à vous valoriser en racontant
des fables, petites et grandes ?
La part de nous qui est malhonnête s'exprime
ordinairement uniquement par le mensonge et la
médisance, parce qu'"on n'est pas des brigands
en vrai, n'est-ce-pas". Mais c’est aussi là
où se concentrent nos doutes, nos difficultés dans
nos rapports avec les autres.
Les mots ont un
caractère illusoire, mais ils peuvent
contribuer à une parole bienveillante. Le bon
usage de la parole et des mots est une forme
de présence et d’action justes.
Voici ma vision du bon usage des mots :
1. Écouter : être
capable de décrypter les messages envoyés par
notre interlocuteur à travers ses mots, et autant que possible ceux
qu’il n’a pas prononcés (...);
2. Refuser de mentir :
savoir s’arrêter aux mensonges qu’on se fait à
soi-même, débusquer les propres histoires qu’on se
raconte;
3. Refuser de médire :
renoncer aux cycles des bavardages et des
médisances, refuser de faire de la critique de
l’autre un moyen de valorisation sociale
personnelle;
4. Analyser : chercher
en soi les ressorts cachés des mots qu’on
prononce, des explications qu’on se donne des
phénomènes du monde et de sa présence au monde;
5. Être attentif : être
capable d’expliquer les conséquences de ses
paroles, et si elles sont mauvaises, les éviter;
6. Persévérer : être
capable de maintenir cette attitude; renoncer à
utiliser les mots comme ça nous arrange;
7. Être vigilant : être
capable de déceler la vérité et de dénoncer les
mensonges quand ils portent tort à d’autres.
Le bon usage des mots est avant tout d’en utiliser
moins pour en écouter plus, puis de rechercher la
vérité et de l’exprimer.
Les mensonges sont de deux sortes : ceux qu’on
fait aux autres et ceux qu’on se fait à soi-même.
Ils sont distincts, en principe, mais finissent
par se mélanger. Mentir aux autres, c’est souvent,
d’abord, se mentir à soi-même ; par ailleurs le
menteur/la menteuse, même s’il ou elle n’y croit
pas au départ, finit par croire à ses propres
mensonges.
Ne pas confondre "mentir" et "garder un secret",
la vérité a ses propres secrets...
« Le principe de vérité » transcende le
bon usage des mots. Le principe de vérité
consiste à n’user de la parole qu’à bon escient,
hors de tout esprit de mensonge. Ce principe
de vérité est aussi (surtout ?) un
principe d’effort de vérité. Il appelle
également chacun d’entre nous à toujours mettre
ses croyances à distance, dans une attitude
bienveillante mais critique, pour toujours
réajuster ses pensées et rapprocher son discours
de la vérité.
Le « principe de vérité » n’est accessible qu’à
ceux qui tentent de franchir les étapes énoncées
plus haut : être capable d’écouter, d’analyser,
d’être vigilant, et de faire l’effort de
comprendre les motivations de ses mensonges et
leurs conséquences.
... {à suivre}
{Chroniques Chan}
Que toutes choses
prospèrent en paix.
雷宓谐 dit Michel
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