Le génie de la Chine
La
circulation du sang - IIème siècle av. J.-C.
On considère généralement
que la circulation du sang a été découverte par William
Harvey, qui l’aurait fait connaître au reste du monde dans
une publication de 1628. Or non seulement il n’était pas
le premier Européen à avoir identifié ce phénomène, mais
les Chinois l’avaient précédé de 2000 ans.
En Europe même, Harvey avait été devancé par Michel Servet
(1546), Realdo Colombo (1559), Andréa Ceralpino (1571) et
Giordano Bruno (1590), lesquels avaient eux-mêmes puisé
l’information dans les écrits d’al-Nafis, un savant arabe
de Damas mort en 1288, qui semblait la tenir de la Chine.
La traduction en latin des écrits d’al-Nafis, perdue entre
temps et retrouvée en 1956 par un chercheur, a confirmé
qu’ils constituaient la source pour l’Europe.
La Chine abonde en
documents prouvant indubitablement que la circulation
du sang était un phénomène solidement établi dès le
IIe siècle avant J.-C. Le Livre de médecine
de l’Empereur jaune (Huang Di Nei Jing, l’équivalent des
écrits d’Hippocrate pour les Grecs) montre toutefois que
la théorie avait atteint à cette époque un niveau de
sophistication tel qu’il suggère une origine encore plus
précoce. D’après l’ancienne chronologie chinoise, l’«
Empereur jaune », Huangdi, aurait régné au XXVIe siècle
avant J.-C. On peut donc affirmer sans crainte de se
tromper que la notion de circulation du sang dans le
corps, qui correspondait aux yeux des Chinois à la
circulation des rivières sur la Terre, était présente chez
eux deux mille ans environ avant qu’elle ne fût acceptée
en Europe.
Les anciens Chinois pensaient qu’il existait dans le corps
humain deux circulations distinctes des fluides : celle du
sang, propulsé par le cœur à travers les veines et les
capillaires, et celle du qi (souffle, vapeur), une forme
d’énergie éthérée et subtile qui surgit des poumons pour
se répandre dans le corps par d’invisibles canaux. La
notion de double circulation des fluides occupe une place
primordiale dans la pratique de l’acupuncture.
La tradition chinoise a répertorié vingt-huit types de
pouls, perçus comme l’émanation des pulsations cardiaques.
La théorie de la double circulation (appelée Qimai dans
l'école E Mei) — du sang (qui est yin) et du qi (qui est
yang) — offre une vision globale du fonctionnement du
corps humain. Comme l’exprime un texte datant de l’époque
du Christ, « le flux sanguin se maintient grâce au qi,
mais le mouvement du second dépend du premier. Ils
circulent tous deux en un constant échange ». Le Huang Di
Nei Jing nous informe que « le rôle des canaux du corps
humain est de permettre la circulation normale du sang et
du qi de telle sorte que les principes vitaux issus des
aliments absorbés puissent nourrir les organes yin et
yang, renforcer les muscles, les tendons et les os, et
lubrifier les articulations ».
Et le texte d’ajouter : « Ce que nous nommons système
vasculaire est semblable à un réseau de conduits et de
vannes contrôlant le flux sanguin de telle sorte qu’il ne
puisse s’échapper ou s’infiltrer n’importe où. »
Toujours très méthodiques
quand il s’agit de mesurer ou de peser, les Chinois n’ont
pas manqué de se livrer à des expériences sur les
cadavres, dont ils ont prélevé le réseau sanguin, qu’ils
ont étiré au maximum pour mesurer la distance totale
parcourue par le sang en un circuit — cinquante-quatre
mètres environ selon leurs estimations.
La circulation sanguine et la circulation du qi coïncidant
toutes les vingt-quatre heures au niveau du poignet au
bout de cinquante révolutions du sang, les Chinois ont
estimé le parcours quotidien du flux sanguin à quelque 2
700 m, et le nombre des respirations effectuées dans
le même temps à 13 500, si bien qu’une respiration
correspondait à une vingtaine de centimètres de parcours
sanguin. A l’issue de tous ces calculs, les Chinois
ont eu la certitude d’avoir cerné le phénomène.
Le cœur était clairement
perçu comme une pompe. Et les médecins chinois utilisaient
pour leur enseignement un système de tuyaux de bambou qui
aspiraient un liquide, de façon à montrer à leurs élèves
comment fonctionnaient le cœur et la circulation sanguine.
Les Chinois ont calculé que le flux sanguin devait
prendre 28,8 minutes par cycle, chiffre que la recherche
médicale moderne a ramené à 30 minutes. William
Harvey n’était quant à lui parvenu à aucune estimation
précise — il hésitait entre une heure et un jour.
Dans son ouvrage de 1685 sur l’acupuncture chinoise,
Willem ten Rhijne, un médecin des Indes néerlandaises,
écrit ceci : « Les médecins chinois ont donné davantage
d’importance à l’enseignement approfondi des lois de la
circulation sanguine que leurs homologues occidentaux. Ils
fondent leur médecine sur ces lois comme si elles étaient
l’oracle de Delphes. »
Au cours de la même année, l’érudit Isaac Vossius écrivit
que les Chinois connaissaient la circulation sanguine
depuis 4 000 ans, mais selon Needham, « Vossius reprenait
la date légendaire de l’Empereur jaune ; le chiffre de 2
000 ans aurait été plus exact. »
On voit donc que l’origine chinoise de la
découverte de la circulation sanguine était claire
pour les Européens il y a 300 ans. Mais entre temps,
les modernes sont retombés dans l’ignorance et ont
tout oublié à ce sujet...
{Source : Le génie de la
chine - 3000 ans de découvertes de Robert Temple}
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