Il n’y a pas que la chimiothérapie !

Abonné à Nexus, magazine d’information indépendant, j’ai reçu en janvier dernier le numéro 102, dans lequel l’article d’Anne Gourvès m’a profondément touché : « chimiothérapie : ce qu’on ne vous dit pas ». Fort de cet élan, j’ai interrogé la revue qui m’a autorisé à reproduire l’article après la parution du n°103. Voilà qui est fait.
Aujourd’hui, il n'est pas aisé d’exposer en quelques mots l’intention profonde qui me fait écrire cet article, et la meilleure méthode consisterait d’abord à bien préciser ce qu’il n’est pas ; malgré son « fonds chinois » très évident il n’a, ni la prétention, ni surtout la motivation de faire œuvre d’érudition, ou de s’adresser spécialement à une catégorie professionnelle.
Il n’opère aucune vulgarisation au sens courant du terme : les idées générales qu’il expose ne sont pas celles qui ont cours et dominent actuellement dans le monde occidental, mais elles peuvent peut-être contribuer à servir en élargissant la manière de concevoir l’homme dans son corps et dans son histoire personnelle.

Le déclencheur

L’article d’Anne Gourvès, docteur en génotoxicologie et cadre dans une industrie pharmaceutique (nous n’en saurons pas plus), dévoile les ressorts profonds de l’usage si répandu de la chimiothérapie. Depuis les années 1940, les molécules employées pour traiter les cellules cancéreuses sont « cytotoxiques », i.e. que le fondement du traitement est la toxicité, jusqu’aux années 1990 où les thérapies ciblées ont révolutionné le secteur de la recherche sur le cancer. Ces recherches sont devenues la propriété d’une industrie multimilliardaire, avec les produits comme Glivec, Avastin, et autres produits cités dans l’article, qui s’ils ne sont plus « cytotoxiques » ont d’effroyables effets secondaires. Toutefois il semblerait que la chimiothérapie ne contribue que très peu à la survie des patients (étude australienne parue dans Clinical Oncology - toutes les références sont dans l’article original auquel je vous renvoie instamment) dans des ordres de grandeurs aussi petit que 2.1% ! L’Avastin est même accusé d’accroître le risque de mortalité (la FDA a annoncé une procédure de retrait du marché), à tel point qu’on se demande si l’on survit au cancer ou au traitement. Selon la plupart des études, la chimiothérapie est elle-même cancérigène, comme la radiothérapie d’ailleurs. Alors on peut se poser la question de qui émanent les décisions concernant les choix thérapeutiques ? Anne Gourvès démontre que l’INCa, créé en 2004, qui coordonne les actions de lutte contre le cancer et qui constitue la source exclusive de l’information officielle en cancérologie donnée aux professionnels, aux malades et au grand public, ne détient pas le monopole des décisions en matière de cancérologie mais que c’est plutôt bel et bien l’industrie pharmaceutique, qui n’a aucun intérêt à guérir une maladie aussi rentable que le cancer. Dix molécules se partagent 95% des ventes, et dans le top 10 figure le Glivec que les patients doivent prendre à vie pour la modique somme de 30000€ par an (remboursé à 100% par la Sécu.). Certains professeurs dénoncent le « prix scandaleusement élevé » des molécules anticancéreuses. Face à l’alliance médico-politico-financière qui impose les ambitions d’une industrie pharmaceutique à tous les niveaux de la prise en charge des patients atteints de cancer, on peut se demander de quelle liberté thérapeutique disposent les praticiens en oncologie. Aujourd’hui ni le médecin ni les familles de malades ne peuvent imaginer que d’autres approches sont possibles, car il n’y a pas de choix thérapeutiques, par dogme. Ainsi au lieu de se fonder sur des traitements qui ont fait leurs preuves et qui sont connus pour être efficaces, il est proposé de faire entrer les malades dans des protocoles d’essais thérapeutiques. {J’ajoute : en les présentant comme la seule chance de guérir ou en faisant miroiter des espoirs (à condition de signer une lettre de consentement) ou pire en jouant sur la peur (Le Code de la santé publique prévoit que « si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables »)}. L’inclusion systématique des patients dans des essais thérapeutiques permettra à Big Pharma (selon le terme consacré !) de mettre sur le marché de nouvelles molécules qui rapporteront des milliards de dollars. Si ce mode monopolistique convient à certains médecins, d’autres, et notamment des cancérologues, s’insurgent contre un système où le patient cancéreux n’est plus au centre décisionnel du choix thérapeutique. La remise en question du choix des axes de recherche est complexe. Malheureusement Big Pharma œuvre aussi à écarter de tout protocole chimiothérapique les traitements complémentaires voire alternatifs qui nuisent à ses intérêts financiers. Des médecins, des chercheurs sont destitués de leurs fonctions pour avoir voulu « sortir du protocole standard officiel », alors que des patients montraient une amélioration de leur qualité de vie.Il devient urgent que le patient revienne au centre des prises de décision médicales, et que s’impose l’exercice illégal de la guérison plutôt que celui légal du lobbying pharmaceutique. Vous trouverez le contenu détaillé de l’article d’Anne Gourvès, dans le n°102 de Nexus.

Des mots pour dire

Dans ces temps où toutes sortes de connaissances fleurissent, sciences pratiques en tous genres, exposés sur l’Univers et sur le corps dont l’imagerie est répandue dès la petite enfance, il n'y a que très peu d'espace et encore moins de mots pour exprimer et témoigner d'un vécu global, d’intuitions, d’expériences directes sans l’intermédiaire des interprétations officielles de toutes provenances, celles orthodoxes du corps et de la « matière », celles devenues plus ou moins orthodoxes, du psychisme. Un savoir et un pouvoir particulier brandis pour eux-mêmes contiennent en réalité la peur et l’incertitude cachées ; ce que les « scientifiques » appellent « savoir » n’est que demi-savoir, i.e. une « ignorance instruite. »
Si nous disons ou écrivons le mot « Énergie » en Occident (le Qi), nous y associons presque immanquablement des termes qui le spécifient : biologique, humaine, calorique, électrique, atomique... qui se mesurent en joule ou électronvolt (eV), erg (erg), calorie (cal), Calorie (kcal), kilowattheure (kWh), tonne d’équivalent pétrole (tep), etc.
En fait, nous trouvons, dans notre environnement culturel, que ce terme est vague, qu’il n’est jamais très bien défini, qu’il ne devrait en aucun cas s'appliquer à des contextes aussi nombreux et dissemblables... en un mot ce qui pourrait le rendre mobile, transformable, mystérieux, vague, intuitif nous met mal à l’aise et nous voulons dans chaque cas le spécifier, le définir, l’étiqueter pour lui conférer un statut de « presque-objet ».

Le projet : l’esprit de guérison

Pour qu’une telle entreprise ait quelques chances de succès, il faut interroger l’esprit même des mots, que les anciens chinois ont créé et employé pour nommer leurs intuitions les plus pénétrantes sur la genèse de l’être humain et sur les divers plans de réalité qui le constituent et qu’il manifeste.
Ce projet ne saurait s'appuyer sur un discours simplificateur ou schématique, destiné à rendre accessible de nouvelles connaissances, car la motivation n’est pas ici essentiellement de documenter, de transmettre des informations inédites, encore moins de nouvelles croyances !...
Il ne s'agit de rien moins que d’une invitation à réinterroger, mais avec d'autres outils, d’autres mots, notre réalité vécue, présente la plus globale et la plus concrète.
Cette réalité, ce vécu, chacun de nous en a le secret, en connait le goût, et personne ne peut à notre place nous en dire la qualité !...
Les mots que nous avons appris, ceux de la plupart des langues actuelles, nous enseignent plus à agir sur le monde qu'à le reconnaître, et ce que le mot nous apporte en précision « instrumentale », il nous le fait payer très cher par une réduction de son pouvoir à « qualifier », c’est-à-dire pour nous ici à rendre compte des qualités du vécu individuel.
Il s’ensuit un décalage croissant entre ce qui fait le discours courant sur la réalité que nous vivons, compte rendu souvent schématique, normalisateur ou activiste, et cette réalité même, tissée de nuances innombrables, d'autant plus déterminantes pour notre vie qu’elles sont subtiles, c'est-à-dire vagues dans ce qu’on peut en dire et extraordinairement précises dans ce qu'on peut en vivre...
On en arrive à ce paradoxe que plus les mots acquièrent la précision que leur confèrent les définitions des dictionnaires, moins ils sont propres à qualifier les courants de vie qui nous habitent ou nous visitent en fonction des moments. Les anciens chinois sans aucun doute avaient implicitement admis que donner du sens à ce que nous vivons en le nommant devait nous aider à reconnaître et rendre tolérable l’angoisse de vivre, plutôt qu’à la recouvrir et tenter de la minimiser par des formules impersonnelles, étroites et finalement angoissées.
Ils conservèrent à quelques mots l’imprécision nécessaire, et le pouvoir d’adaptation aux différentes circonstances, qui participent avec la puissance intuitive de l’image, à la fonction de tout symbole.
Nous savons à ce sujet que les premiers mots écrits sont des pictogrammes ou des idéogrammes. Le chinois est la seule langue idéogrammatique qui nous soit parvenue, toujours vivante, de ces temps reculés. Elle nous a transmis sur un mode complet et original, une manière de ressentir l'existence et de la vivre, dont la profondeur, la globalité, l'actualité pose toujours à ceux de nos contemporains qui veulent bien s'en « rendre compte », une interrogation et une invitation troublantes...

Une expérience directe

C'est une expérience dont je peux témoigner par le cheminement que j'ai personnellement suivi, et peut-être n'est-il pas inutile de dire en quelques mots, qu’elle fût ma progression vers la proposition présente.
A la fin de mes études d’ingénieur, je n’avais aucune idée de ce que pouvait être la médecine, mais engagé dans un service de 4 ans au Gabon, je fus vite pris d’admiration pour les guérisseurs locaux. Me voici initié au mabandji, groupe de guérisseurs ou sorciers (nganga) qui œuvraient tant sur le corps que sur l’esprit, grâce à l'Iboga. L’ouverture du cœur et les enseignements reçus ne me sont apparus bien réels que quand j’ai rencontré la pensée orientale, tant ayurvédique, que taoïste et bouddhiste. Ma formation scientifique classique, reproduisant, amplifiant même le sens de séparation radicale entre le corps de l'homme, et ce que l’on nomme si vaguement son esprit, amalgame où l’on retrouve tout ce qui n’est pas directement quantifiable : les émotions, les affects, l’ensemble du psychisme, avec en plus quelque chose de mystérieux qui ne prend existence sous le nom d’âme ou d’esprit, qu’avec les convictions religieuses courantes.
Cette séparation vécue et défendue comme une réalité, à tel point qu'on ne sait plus penser et agir pratiquement sans elle, est la première et la principale cause de toutes les maladies. C’est ainsi que j’assistais (mais aussi participais) au Gabon à des guérisons du type de celle qu’on appelle « psychosomatiques » ...

La médecine chinoise

La découverte de la médecine chinoise m’encouragea à approfondir mon regard sur la réalité, le monde, l’être humain dans son corps, que supposait l’édifice très particulier de la médecine chinoise et de ses techniques étranges, le massage puis l’acupuncture, les plantes et finalement le qigong (bien qu’ayant pratique le taijiquan depuis 1991).
Cette pensée globale, d’une cohérence étonnante, nous invite, par l’intermédiaire d’un certain nombre de repères dynamiques corrélés et hiérarchisés, de comprendre, d’ordonner, de faire circuler différemment tout ce que nous savons déjà, et en particulier ce qui constitue notre expérience la plus vitale, profonde, qualitative.
Cette gestion « autre », cette mise en mouvement globale et sans rupture de tout ce que nous pressentons, représente un système tellement ouvert, si totalement adaptable, que la controverse opposant classiquement les faibles connaissances techniques des anciens chinois, à l’océan des découvertes et du savoir contemporain reste sans objet : là n’est tout simplement pas la question ; les systèmes visionnaires laissés par les Chinois permettent au contraire d’intégrer dynamiquement, de relier et donc de comprendre mieux un grand nombre de connaissances actuelles, si toutefois on sait les traduire en termes adéquates.
Et là est souvent la difficulté : la tradition chinoise ne propose pas véritablement un savoir au sens contemporain du terme.
Dans le vaste système qu’elle expose les points d’appui, les mots importants ne se réfèrent pas essentiellement à des objets ou à des faits extérieurs mais à des qualités spécifiques de l'expérience humaine, un ensemble d’impressions et ressentis associés à des endroits du corps, des moments charnières qui existent en nous tous, et dont le contenu vivant, diffère à chaque fois, doit être, à chaque fois, envisagé d’un regard nouveau.
Il doit l’être dans le secret et le respect de l’expérience individuelle, unissant son lien à la vie : les repères naturels de son sentiment d’être.

Le rapport avec le sujet

A partir d’une proposition aussi vaste, l’optique occidentale classique conclurait aisément à l’intervention pure et simple d’une croyance, celle d’une attitude spiritualiste...
Le génie chinois réside en particulier dans le fait d'avoir su nommer ces intuitions par des mots qui sont à la fois, des représentants symboliques (idéogrammes, pictogrammes), et de véritables invocations vers ce territoire intérieur que nous contenons tous et dans lequel la pensée analytique, conceptuelle est frappée d’indigence : pour la pensée « rationnelle », en effet, chaque mot, chaque nom est un « objet », avec le statut d'objet que le « sujet » observe devant lui. Face à lui l’oncologue a « une maladie » à traiter, et non un être à aider dans sa démarche de vie (trop complexe à envisager !)
La médecine de la tradition chinoise invite toujours à une perspective globale, colorée par la qualité, l'infinie nuance à vivre à laquelle certains mots donnent des repères.
Les mots « énergie (Qi) », « esprit (Shen) », « Cœur (Xin) », « Dao », … disent une invitation, un creusement interrogatif du silence, une ouverture à la Métamorphose.

La consultation

Il se déroule maintes choses dans notre cerveau lorsque nous sommes face à un patient qui se tient devant nous dans son état et son rayonnement — que nous percevons. On peut même aujourd'hui rendre audibles et visibles les processus qui se jouent dans la tête grâce à l’électroencéphalogramme qui mesure l’activité électrique du cerveau, et retracer leur développement par des courbes. Mais qu'est-ce que vous faites, dans vos circuits cérébraux enregistrables, du malade en face de vous ? Qu'est-ce que vous faites de son environnement ? Qu’est-ce que vous faites de vous ? Non pas du cerveau, mais de l’homme que demain peut-être nous aurons perdu et qui depuis l’origine était en route vers nous ? Qu'est-ce que vous faites de la relation où le patient se présente et de l'homme qui se met dans le face à face avec lui ?
Car à notre insu nous abandonnons tout dès que les sciences — physique, physiologie et psychologie, y compris financière — nous expliquent, avec tout l’arsenal de leurs citations et de leurs preuves, que finalement ce n’est pas une personne que nous percevons, mais en réalité un vide parsemé ici et là de décharges électriques qui se croisent avec une grande rapidité (ou un portefeuille pour d’autres). Il ne suffit pas que — seulement pour les moments qui ne sont pas, pour ainsi dire, ceux du contrôle scientifique — nous avouions que nous nous trouvons bien entendu face à un homme, pour assurer l’instant d’après sur le même ton d’évidence que cette opinion-là est seulement l’opinion naïve, parce quelle dénote une conception peu scientifique des êtres. Avec cette belle assurance, nous avons en effet accordé quelque chose dont nous remarquons à peine la portée, à savoir, que ce sont à proprement parler les sciences en question qui décident ce qui, dans l’être ici présent, devrait passer pour réalité et ce qui ne le devrait pas. D'où est-ce que les sciences — de l'essence desquelles l'origine demeure forcément obscure — tirent compétence pour porter de tels jugements ? D'où les sciences tirent-elles le droit de déterminer où réside l’Homme et de se poser comme critère d’une telle détermination ? Mais cela se fait déjà lorsque, même tacitement, nous admettons que notre position dans le face-à-face avec le patient n'est rien d'autre qu'une relation, prise comme à peine scientifique, à ce que nous appelons là « une maladie ». En vérité nous sommes, de nos jours, plus enclins à laisser tomber « le malade », au profit des connaissances prétendues supérieures de la physique et de la physiologie (du porte-monnaie).
Lorsque nous sommes face à un malade qui se présente à nous, dans le face-à-face avec lui, il s’agit de ne pas laisser tomber ce malade, mais tout d’abord de le laisser être debout, là où il est debout. N’oublions jamais la pensée de le laisser être debout là où il est.

Le Dao de la médecine chinoise

Dao, « la voie », « le chemin », s'applique aussi en ce qui nous concerne ici à la direction du Cœur, l'Esprit présent, l'Intention profonde...
Alors, comme je le dis souvent, dans la médecine chinoise il y a surtout du Cœur, lieu de résidence de l’Esprit, ce n'est pas seulement un nouveau et vaste catalogue de connaissances surprenantes sur la circulation des Énergies humaines, sur les moyens de l'évaluer et de l'harmoniser...
La médecine chinoise ancienne est un inestimable cadeau que d’innombrables êtres visionnaires et généreux, ont destiné aux malades, aux hommes qui manquent encore de « Cœur », c'est-à-dire de Conscience, et qui le payent (ou le font payer) cher par des désordres psychiques, énergétiques ou corporels.
Sa technique, celle des aiguilles, des massages, des Qi Gong, de la diététique  et des plantes est totalement assujettie à l'Esprit, l'état d'être du praticien, et le pouvoir de Métamorphose de la relation thérapeutique face à un être debout, et non un « objet de curiosités scientifiques ».
Cette proposition, on s'en doute, dépasse largement le cadre médical ou thérapeutique strict.
Pour ne pas vous faire abuser par la flamme de la « science sans conscience », pour que vous puissiez faire une lecture de vous-même, de votre existence jusque dans les faits les plus concrets de votre vie quotidienne, ou dans les recoins les moins vivants de votre être parce que vous ne les fréquentez pas, il est nécessaire que vous approchiez le langage hérité d’une époque et d'une culture dont ce fut le premier souci.

雷宓谐 dit Michel Martorell