LA MEDECINE CHINOISE EN FRANCE.

Considérations générales

En France, lorsque l’on parle de médecine, il est d’usage d’opposer la « médecine occidentale moderne » ou « bio-médecine » aux médecines dites « parallèles », ou « alternatives ». Cette déformation du langage inclinerait à penser (ou à faire penser) qu’il n’y a qu’une médecine, scientifique, et digne de ce nom au détriment de toutes les autres, nombreuses, qui seraient des pratiques exotiques, douteuses, sans concept fiable, non éprouvées,  non scientifiques.

L’histoire pourtant nous rappelle que la médecine moderne occidentale est née au XIXème siècle lors de la grande révolution scientifique dans une période où l’Europe se considérait comme valeur de référence universelle dans divers domaines (philosophie, droit, économie, …). Ainsi, tout ce qui avait valeur de norme en Europe et en Amérique devait servir de référence au monde entier, ce qui s’en écartait relevait de l’exotisme ou du folklore.

Oubliant les différentes médecines traditionnelles, chinoise, tibétaine, ayurvédique ce concept de « médecine unique » perdure encore aujourd’hui, cherchant à imposer ce point de vue à grands renforts d’interventions dans les différents médias, au point même de considérer que l’acupuncture soit une "médecine". Pourtant si la médecine traditionnelle chinoise est une médecine vieille de plusieurs millénaires, elle n’en est pas pour autant désuète, dépassée ou inadaptée aux problèmes de santé modernes. En Chine, jusque vers les années soixante, la Médecine Traditionnelle Chinoise était la seule médecine pratiquée dans l’Empire du Milieu, pour soigner et sauver des vies. Aujourd’hui, riche de sa très longue expérience et de sa scientificité, en Chine et aux Etats-Unis notamment, la médecine chinoise mène des recherches très poussées en ce qui concerne des maladies émergentes de ces dernières décennies.

En 1982, le Ministère de la Santé mandatait le Docteur Niboyet pour des travaux d’évaluation de la médecine traditionnelle chinoise, et celui-ci rapportait que :
  1. l’efficacité de ses techniques (acupuncture, médecine manuelle, …), leur complémentarité ou leur suppléance lors de ses échecs, sont indiscutables et ne relèvent pas de l’effet placebo ;
  2. leurs bases objectives, ainsi que leur activité chez l’homme et chez l’animal, ont été établies par des travaux scientifiques tant français qu’étrangers ;
  3. leur dimension est considérable en raison de leur efficacité, leur rapidité d’action, leur absence d’effets iatrogènes et de leur faible coût …
Il faut à présent accepter l’idée qu’il y a plusieurs médecines et considérer la médecine chinoise comme
une médecine à part entière dont la scientificité et l’efficacité reconnue par de nombreux spécialistes occidentaux est aujourd’hui incontestable.


Actuellement, le Professeur JOYEUX lui-même ne se cache pas de considérer les autres formes de médecines dont la médecine chinoise, dès lors qu’elles apportent de bons résultats et aident les patients à recouvrer la santé. Il est convaincu qu’il existe de bonnes choses dans toutes ces pratiques. Pourtant, le discrédit demeure, et le vent de confusion souffle toujours. Les effets iatrogènes des médicaments chimiques, bien que très utiles dans nombre de situations, tuent chaque année bien au-delà des accidents de la route.

Tout dernièrement, dans un documentaire paru sur France5, « se soigner autrement », le Professeur Alain BAUMELOU, néphrologue à l’hôpital de La Salpétrière, explique « quand vous posez la question à un étudiant en médecine, pour lui il n’existe qu’une médecine, c’est la médecine conventionnelle ! On ne sait pas l’appeler d’ailleurs, il n’y a qu'une seule médecine, c’est la médecine qui a la réflexion cartésienne pour base, c’est ce qu’on appelle la médecine occidentale, la bio-médicine et ils sont totalement imperméables au fait qu’il y a quand même sur cette terre quatre milliards d’individus qui ne sont pas du tout soignés par cette médecine-là mais par d’autres médecines. ». Il pose cette question : « est-ce que la vie d’un individu se réduit à la mortalité ou à la morbidité ? » ; et de poursuivre « est-ce qu’il ne faut pas prendre plus en compte dans les essais cliniques, le bien-être, la qualité de vie, l’absence de symptômes que nous ne l’avons fait ? ». La notion de COMPLEMENTARITE qu’il faudrait instituer entre ces médecines s’immisce peu à peu, devient de plus en plus une réalité qui filtre entre ces différentes pratiques pour mettre fin au dogme, puisque c’est bien l’intérêt du patient qui prime et non pas le fait que telle médecine serait supérieure (ou pas) à telle autre. Mais sous quelle forme ? Comment cohabiteront ces médecines entre-elles ? L’intégration, comme on l’entend ne serait sans doute pas une très bonne chose, car cela présente le risque de perdre les « reliefs » qui différencient et singularisent ces pratiques de la bio-médecine. Chacune ayant ses qualités, son histoire, ses concepts et ses méthodes.

L’acupuncture, une médecine ?

L’acupuncture n’est pas à elle seule une médecine comme on l’entend ou comme on peut le lire, parfois, en France -  elle est une pratique thérapeutique appartenant à la médecine traditionnelle chinoise, et plus spécialement à la branche des « interventions externes » avec les autres méthodes que sont la moxibustion, les ventouses, la médecine manuelle, les massages. La Médecine Traditionnelle Chinoise est riche d’autres méthodes de soins que la seule acupuncture, toute aussi performante qu’elle puisse être. Ainsi les conseils relatifs à la diététique et à l’hygiène de vie, la pharmacopée, richement dotée et éprouvée, les exercices de santé (Qi Gong), et une approche particulière de la psyché … constituent avec l’acupuncture et la moxibustion, les ventouses, la médecine manuelle, les massages ce qui est LA Médecine Traditionnelle Chinoise.

La médecine traditionnelle chinoise est un Art médical, sérieux et efficient, reposant sur un cursus spécifique, complet et complexe, sa philosophie, ses études et recherches menées au fil des siècles. Cette médecine, aux origines taoïstes, finalement, n’est pas tant éloignée de la pensée médicale d’Hippocrate, le Père de la médecine moderne. Aujourd’hui, pratiquée en Chine conjointement à la médecine occidentale, elle est toujours enseignée à l’université et pratiquée dans les nombreux hôpitaux du pays ; mais également dans de très nombreux pays à travers le monde. Enfin, ses origines pluri-millénaires n’en font absolument pas une médecine désuète, archaïque et dédiée aux « petits bobos », mais tout au contraire une pratique qui a su être attentive aux recherches modernes et à s’enrichir de celles-ci tout en conservant ses spécificités pour en faire une médecine tout à fait compétente pour appréhender les maux modernes, tout autant en Occident qu’en Asie, et pour les maladies légères comme graves.

La médecine chinoise en France

En France, s’agissant de médecine chinoise, il faut distinguer l’acupuncture apprise à la faculté de médecine par les médecins et qu’ils pratiquent dans leurs cabinets, de la médecine chinoise pratiquée par « des non-médecins » qui interviennent dans un « cadre non réglementé ». Ceux-ci ayant, pour la plupart, appris la médecine traditionnelle chinoise soit dans l’une des nombreuses écoles de médecine chinoise en France ou en Europe, ou bien directement dans les universités chinoises en Chine : Shanghai, Beijing, Tianjin, Chengdu, Nanjing pour les plus importantes.

Cependant, dans la période moderne, la médecine traditionnelle chinoise est apparue en France vers le début des années soixante avec des praticiens tels que André Faubert, Claude Larre, Elisabeth Rochat de la Vallée, Alain Chamfrault, … qui allaient étudier cette médecine en Chine. Un grand nombre d’entre-eux auprès du Professeur LEUNG Kok Yuen, éminent médecin de tradition orale originaire du Guangdong en Chine. Plus tard, d’autres, toujours auprès de ce célèbre professeur de médecine traditionnelle, ont pu apprendre cette médecine dans les années soixante-dix, au North American Collège of Acupuncture (NACA) basé en Amérique du Nord avant que ne soit fondée, en Alsace, sous l’impulsion de Michel Picard, une structure qui allait permettre le réel développement de cette médecine en France : l’Université Européenne de Médecine Chinoise (UEMC) où le Professeur LEUNG Kok Yuen était la clé de voûte. Nombre de ses étudiants sont aujourd’hui des praticiens qui exercent toujours en France et dont certains perpétuent son enseignement, ou sont allés en Chine poursuivre leur formation médicale.
En 1989, un Député européen, M. Lannoye a proposé un texte pour la reconnaissance de la médecine chinoise en France. Celui-ci a donné lieu à d’âpres débats et de très nombreux amendements pour finalement adopter le texte sans que, pour autant,la France ne le valide réellement. Aujourd’hui, vingt-six ans plus tard, peu de choses ont changé sur le fond si ce n'est que de plus en plus facilement, le grand public se tourne vers la  médecine chinoise soit en combinant des soins entre les deux médecines, soit en cherchant une solution ne relevant que de la médecine chinoise. Cependant, la complémentarité entre les médecines reste la voie nécessaire pour demain, mais par contre, sans parler d’intégration comme il en est question actuellement. L’idéal serait, si idéal il y a, que chaque médecine puisse être exercée par des praticiens qui ne cumulent pas les médecines. C’est à dire, un praticien étudie la médecine chinoise et la pratique, et un autre la bio-médecine et l’exerce, chacun entretenant des relations intelligentes l’un vis à vis de l’autre, pour l’intérêt des patients.

En mars 2004, à Tianjin, en Chine, le Ministre de la santé de l’époque signait avec la Chine une convention par laquelle la France reconnaitrait la médecine chinoise ! Une avancée semble-t-il, à l’exception près qu’il faut entendre « quand la médecine occidentale en France saura l’intégrer ! ». C’est à dire qu’il ne s’agit pas de reconnaître la compétence ni l’existence de celles et ceux qui, « non-médecins » ont étudié de longues années cette médecine et la pratique au mieux de leurs connaissances, avec sérieux et attention (et, pour leur part, sans s’opposer à la médecine occidentale) mais en cherchant à construire réellement la complémentarité entre les deux médecines, notamment.

En Europe, la France fait figure de cancre quand on sait qu’en Grande Bretagne la médecine chinoise est reconnue depuis 1984 sous la condition de ne pratiquer ni la pédiatrie ni la cancérologie, en Allemagne, la pratique de la médecine est libre, et la médecine chinoise est à l’hôpital depuis de longues années. Dans les pays scandinaves, elle se pratique sans que cela ne pose de problème aux médecins de bio-médecine …

Qui peut pratiquer ?

Vu sur le web : Les praticiens en médecine chinoise sont-ils formés "légalement" en France ? Comment choisir un acupuncteur ? Quelles précautions prendre ? Les réponses avec le Dr Olivier Duhamel, acupuncteur au groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière (Paris) :

"La loi est telle qu'en France, pour pratiquer l'acupuncture qui est une médecine, il faut être médecin. Quand un patient vient voir un acupuncteur avec un mal de ventre, le praticien doit d'abord faire un diagnostic avant de pratiquer l'acupuncture. Or actuellement pour faire un diagnostic, il faut utiliser toutes les techniques que l'on a à disposition, les examens complémentaires, les radios, les IRM et avec l'apport de la médecine chinoise, on peut affiner sur d'autres thèmes. Mais pour pratiquer la médecine chinoise, il faut être médecin."
"Depuis la fin des années 80, des diplômes inter-universitaires d'acupuncture ont été mis en place. Et les médecins qui veulent pratiquer l'acupuncture et pouvoir mettre sur leur plaque et sur leurs ordonnances, 'médecin acupuncteur', doivent être titulaires de ce diplôme."
"Avoir un diplôme de l'importance du diplôme inter-universitaire d'acupuncture donne une sécurité. Il y a une formation commune dans tous les diplômes inter-universitaires. Il faut être médecin pour pratiquer l'acupuncture."

Certes, il est évident et nécessaire d’avoir fait des études de médecine pour pratiquer un art médical et prendre en charge la santé des autres, mais encore faudrait-il avoir précisé de quelle médecine il est question, concernant quelles études médicales pour quelle pratique de façon à éviter de jeter l’opprobre sur celles et ceux qui pratiquent des médecines différentes de la bio-médecine et finalement, de laisser le grand public dans le flou, le doute et la crainte. Jusqu’à récemment, le code de la santé ne précisait rien sur ce point, le législateur n’ayant pas été en mesure d’appréhender que divers savoirs médicaux puissent même exister, et qu’un jour ils puissent cohabiter sur le sol de France.

A quand une réelle et complète ouverture d’esprit pour réaliser sereinement la complémentarité qui est une voie nécessaire au développement de la médecine, de la recherche dans notre pays ? Pour l’heure, les dirigeants politiques ne semblent pas porter une oreille très attentive à cette voie, gageons que cela puisse être le cas prochainement, mais en tenant compte de la réelle différence de ces courants de pensées, de ces pratiques et de respecter totalement leurs singularités, leurs indemnités, leurs fondements et leurs savoirs pour ne pas les corrompre et pis encore, les aliéner.

En mars 1997, un petit groupe de praticiens se réunissait à Paris pour débattre de l’organisation de la médecine chinoise en France. Ces quelques heures de travail prolongés par des réflexions sur quelques mois ont donné lieu, en juillet 1997 à la création de l’UFPMTC (L’union Française des Praticiens de Médecine Traditionnelle Chinoise) qui tente d’oeuvrer par différents biais à la défense de la singularité, de l'efficience et des qualités de la médecine chinoise et de permettre que, dans un proche futur, elle puisse collaborer aux côtés de la bio-médecine la santé publique.

Les formations

Différents circuits, diverses voies de formation existent pour apprendre la médecine chinoise.

Si des formations sérieuses existent dans divers pays européens ou d’Amérique du nord, en France, qui, à Paris, à Lyon, à Toulouse, à Aix en Provence, à Nantes pour l’essentiel, se sont créées depuis les années quatre-vingt dix de nombreuses écoles de médecine chinoise, dirigées par des occidentaux et parfois par des chinois diplômés des universités de Chine. On y enseigne cet art médical en s’appuyant sur les enseignements traditionnels et modernes, et parfois directement sur la base des enseignements de tradition familiale et orale du Professeur LEUNG Kok Yuen. La popularité , la compétence de ce dernier est telle que certains, n’ayant pourtant jamais été au nombre de ses étudiants, se réfèrent à lui.
A Montpellier, à la faculté, une formation plus dans le cru local, est aujourd’hui dirigée par Eric Marié, Professeur de médecine chinoise du Jiangxi en Chine, une formation qui donne lieu à un diplôme universitaire officiel avec la possibilité de poursuivre en Chine pour les diplômes d’Etat chinois (Bachelor, Master et Doctor).
A Valence, avec le SFI, auprès de Christophe Andreau, brillant étudiant auprès du Professeur LEUNG Kok Yuen qui dispense des cours de spécialisation d’une excellente qualité, ce qui permet aux stagiaires de réellement progresser dans leurs connaissances et de pratiquer correctement la médecine chinoise en cabinet.

Conclusion

La santé est, et cela quelque soit les systèmes « sociaux » existant, un investissement personnel ; un investissement pour préserver ce qui est le plus important : SA santé !

Dans le documentaire « se soigner autrement », le Docteur LAGARDE, docteur en pharmacie et biologie médicale considère « qu’il y a un effort à faire pour optimiser sa santé » et de poursuivre «je constate que beaucoup de gens sont capables d’acheter des produits non remboursés par la Sécurité Sociale pour leurs chats, pour les chiens, sont capables d’acheter des produits pour leurs voitures, d’acheter des gadgets et de ne pas s’intéresser à leur santé, alors que c’est leur bien le plus précieux! ».

Il fut posé cette question à Sa Sainteté le Dalai Lama : « Qu’est-ce qui vous surprend le plus chez les hommes ? », et Sa Sainteté de répondre : « ce qui me surprend le plus c’est de voir les hommes passer la première moitié de leur vie a perdre leur santé pour gagner de l’argent, et de passer la seconde moitié de leur vie à perdre leur argent pour retrouver la santé ! ».


Aussi, à l’Institut Wanxiang à Romans sur Isère, où le projet comme la motivation sont d’éveiller à « l’art de préserver sa vitalité » (Yang Sheng Fa) pour « vivre longtemps, heureux et en bonne santé » ; deux praticiens oeuvrent en ce sens et pratiquent la Médecine Traditionnelle Chinoise, s’employant peu à peu à « instruire » à mieux prendre soin de sa santé en proposant des séances de Qi Gong quasi-quotidiennes, des méditations pluri-hebdomadaires en complément des soins de médecine chinoise.

« Se soigner quand on est malade revient à creuser un puits quand on a soif ! ».

Richard Bansard